May 05, 2005

Australie : sage décision dans un contentieux entre deux titulaires légitimes d'une marque identique

A la suite de Kimberly Weatherall, Martin Schwimmer rapporte une décision australienne rendue dans un conflit délicat : celui d'un conflit entre deux titulaires légitimes dans deux pays différents d'une marque identique.
La société britannique Brodie & Stone vend sous la marque Restoria des lotions capillaires ; la société australienne Ward Group utilise aussi le signe Restoria, précisément pour des soins pour cheveux ! Les deux s'ignoreraient certainement si la première ne vendait sur son site web les produits marqués Restoria...
Cette vente depuis le Royaume-Uni constitue-t-elle une violation (passing off) des droits de propriété intellectuelle de la société australienne ?
Il ressort de l'espèce que la la vente de ces produits n'était pas spécifiquement destinée aux Australiens, mais que l'offre pouvait intéresser tout internaute dans le monde. Mieux encore, il ne s'agissait pas de vente par la société britannique, mais de revente en ligne, par des personnes qui s'étaient légitimement procurées ces produits ! La société australienne accuse son "homologue" d'avoir laissé faire, et d'être fautive à ce titre.

Le juge constate d'abord que le dommage n'est pas établi : il n'y a pas de preuve d'un préjudice commercial, et il lui apparaît improbable qu'une personne située sur le territoire australien achète les produits Restoria sur un site web anglais plutôt que sur un de son pays (Kimberlee Weatherall observe finement qu'en l'espèce, il y avait bien eu des achats faits en Australie, mais ces achats étaient le fait même du demandeur ("trap purchases", achats piège). Dans la mesure où c'est le demandeur lui-même qui avait procédé à ces achats, son comportement s'analyse en une autorisation donnée par le titulaire de marque, et donc il n'y a pas d'atteinte au signe !).

Ensuite, et de façon très intéressante, le juge observe que l'usage d'une marque sur internet, qui est téléchargée depuis un serveur situé hors de l'Australie, sans plus, ne peut être assimilée à l'usage de cette marque par l'exploitant du serveur dans chaque ordre juridique où la marque est vue.
Toutefois, poursuit-il, s'il y avait une preuve que cet usage de marque était spécifiquement destiné à et visait un pays particulier, les juridictions de ce pays auraient compétence.

Voilà une décision raisonnée et raisonnable, qui permet la coexistence pacifique sur internet de deux marques similaires utilisées pour des produits également similaires.

[Federal Court of Australia, Ward Group Pty Ltd v Brodie & Stone Plc [2005] FCA 471 (22 avril 2005)]

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