December 11, 2005

Cour de cassation, chambre criminelle, 6 septembre 2005 : pas de protection pénale du nom de domaine

Pour soutenir la campagne d’un candidat à la présidence de Madagascar, un informaticien avait depuis la France développé un site web. Ce site, accessible à l’adresse tiako-i-madagasikara.com, retraçait jour après jour les événements de la vie politique malgache, et consistait en articles, photos, forums, etc. Le fonctionnement du site prenait beaucoup de temps à son développeur. Afin que le site soit nourri en son absence, le développeur en confia « les clefs » à un tiers (communication de la totalité des codes d’accès et du contenu des sources permettant de modifier ou restaurer la base de données). Après avoir été évincé de la campagne présidentielle, il se retrouve aussi privé de site : son (ex) homme de confiance l’a fermé, et a réservé le nom de domaine tiako-i-madagasikara.org, pour y publier... l’intégralité des données figurant à l’origine sur le site qu'il a fermé. Le créateur le cite en justice.
Le demandeur est débouté de son action pénale en contrefaçon de marque par la Cour d’appel de Versailles (18 novembre 2004), qui a naturellement relevé qu’une action en défense d’un nom de domaine ne peut être fondée sur le fondement pénal de l’article L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle. Il n’obtient pas non plus la condamnation pénale du défendeur pour atteinte aux droits sur sa base de données, la Cour ayant considéré que le producteur d’une base ne peut reprocher l’extraction du contenu de sa base s’il n’a pas préalablement interdit une telle extraction (et la cour infirme le jugement qui avait aussi retenu l’infraction de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé (T.corr. Nanterre, 25 mars 2003)). Pourvoi est formé.
Il est soutenu que le nom de domaine est un signe susceptible de représentation graphique qui servait en l’espèce à distinguer des services, et qu’à ce titre il a les caractéristiques d’une marque, partant la protection de l’article L. 716-9. Il est en outre soutenu que la cour d’appel a ajouté à la loi en conditionnant l’application de la protection du producteur à la formulation d’une interdiction préalable.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, et approuve l'arrêt d'appel dans les termes suivants :
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n’était pas rapportée à la charge du prévenu, en l’état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;
D’où il suit que les moyens, qui, pour le second est inopérant en ce qu’il allègue une violation de l’article 323-1 du Code pénal non visé à la prévention, et qui se bornent, pour le surplus, à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis
Il est donc confirmé - si besoin était - que le nom de domaine non enregistré ne peut, en droit français, bénéficier de la protection de la marque. Cet arrêt de la Cour de cassation, non publié, n'a donc pas vocation à rester dans les annales (ce qui est heureux au regard de l'autre question posée, relative à la base de données : sur ce point, le pourvoi est rejeté pour raisons procédurales).

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