September 14, 2006

Chypre de nouveau déchirée... à propos de noms de domaine

Après le Prince du Liechtenstein, voici que le Président de la République Turque de Chypre du Nord lance une procédure à propos de noms de domaine en .eu ! C'est dire si ces adresses communautaires présentent aussi un intérêt géopolitique.

En l'occurrence, vingt noms de domaine étaient en jeu (ce qui est aussi en volume le plus gros contentieux porté devant l'Arbitration Center for .eu Disputes en 200 décisions). Parmi ceux-ci, on trouve le nom de l'Etat (northerncyprus.eu, northern-cyprus.eu, northcyprus.eu...), mais aussi son acronyme - seul (trnc.eu) ou accolé à d'autres termes (trnc-humanrights.eu, tourism-trnc.eu, trncgov.eu) -, etc. (liste complète dans la décision 1266).

Se référant à la situation politique du pays, le demandeur allègue que ces noms ont été enregistrés par la République de Chypre, laquelle ne représente pas la communauté turque qu'il administre. Selon lui, ces noms de domaine auraient été réservés afin d'empêcher les Chypriotes turcs de communiquer avec le reste du monde, d'exprimer leurs pensées, et ceci irait à l'encontre "des plus basiques de leurs droits de l'homme". Il est soutenu que ces noms de domaine reviennent naturellement à la communauté turque de Chypre.
Sur le plan juridique, le demandeur observe que la demande d'enregistrement doit être fondée sur des droits antérieurs. En l'espèce, c'est nécessairement sur la base de la dénomination d'organismes publics que l'enregistrement pouvait être obtenu. Le demandeur allègue que le Ministre de l'Education et de la Culture de la République de Chypre, qui a obtenu ces noms, ne dispose pas de tels droits antérieurs. Par ailleurs, le droit communautaire ne s'appliquerait pas dans la zone Nord de Chypre ; aussi, les noms de domaine litigieux se référant à cette zone, il ne saurait exister à leur propos de droits antérieurs au sens des règlements communautaires.

A cela, l'EURid, registre chargé d'allouer (ou non) les noms de domaine en .eu dans le respect des règles communautaires, répond :
- que ces demandes d'enregistrement ont été validées selon les formes prescrites,
- qu'il ne peut apprécier le bien-fondé des droits antérieurs revendiqués par des organismes publics, du fait du régime spécial qui a été aménagé à leur égard,
- et que l'éventuelle mauvaise foi du titulaire des noms ne peut être débattue dans cette procédure, dans laquelle le registre est défendeur et non ce titulaire.

Qu'en pense le panel désigné pour juger ce cas sensible ? Il sermonne d'abord le défendeur pour n'avoir pas traduit des documents rédigés en grec alors que la langue de la procédure était l'anglais.
Il va ensuite distinguer selon la nature des noms : certains ne correspondent objectivement pas à des noms d'organismes publics, et comme tels n'auraient pas dû être accordés. Il en va ainsi des noms de domaine composés de TRNC et "Tourism", "Humanrights", "Gov", "Info", "Pio", ou "Presidency" d'une part, et de noms associant la dénomination étatique avec un terme générique, comme north-cyprus-properties.eu ou north-cyprus-real-estate.eu.
En revanche, les noms northcyprus.eu, north-cyprus.eu, northerncyprus.eu, northern-cyprus.eu, qui ne sont ni le nom complet du demandeur, ni sa désignation courante, ne font pas l'objet d'une annulation. Ils correspondent en outre à une partie de territoire dans laquelle leur titulaire, la République de Chypre, est l'autorité légitime (même si elle n'en a pas le contrôle effectif comme l'allègue la République Turque de Chypre du Nord).

Demie-victoire symbolique, et nouveau partage d'un espace, électronique celui-là...

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