March 28, 2007

Revente de noms de domaine aux enchères : le régime juridique se construit

La première procédure engagée à l'encontre d'une société exploitant une place de marché dédiée à la revente de noms de domaine vient de connaître une seconde étape. La condamnation de la place de marché a été confirmée par la cour d'appel de Paris le 7 mars 2007.

Les juges d'appel ont estimé que la mise en vente sur cette place de marché des noms hotel-meridien.fr, méridien.com,* lemeridien.in, lemeridien.co.in est contraire à la disposition spéciale de l'article L. 713-5 du CPI, qui prévoit que l’emploi d’une marque de renommée pour des services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement de cette marque peut engager la responsabilité civile de l'auteur de l'usage, si cet usage est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
La cour a jugé que cette disposition avait été violée, car le "consommateur ne manquera pas d’associer les noms de domaine hotel-meridien.fr, méridien.com, lemeridien.in, lemeridien.co.in aux marques antérieures Meridien et Le Meridien de même que les noms de domaine constitués autour du signe meridian dans lequel la lettre "a" a été substituée à la lettre "e" ou encore le signe meriden au sein duquel seule la lettre i a été supprimée de même que dans le signe merdien" (cette condition d'association n'est toutefois pas une condition légale de mise en oeuvre de l'article L. 713-5) et parce que "l’enregistrement des noms de domaine litigieux et leur exploitation commerciale par le procédé d’une vente aux enchères et de placement de liens hypertextes publicitaires constituent, au sens du texte précité, une exploitation injustifiée".
En soi, cet arrêt devrait donc entraîner l'arrêt immédiat de la revente de noms de domaine similaires à des marques notoires sous la forme qu'avait cette revente dans le contexte de la décision (on notera toutefois qu'il existe une piste non exploitée du côté de la caractérisation de l'usage, qui permet de porter un regard différent sur ses conditions).

Si la portée de cet arrêt ne concerne donc que les marques de renommée, il faut aussi relever qu'il a été jugé que les noms litigieux "portent également pour les mêmes motifs que ceux précédemment retenus, atteinte à la dénomination sociale de la société appelante ainsi qu’à son nom commercial dans la mesure où un internaute d’attention moyenne ne pourra que se méprendre sur l’origine de ces noms de domaine". S'il est compréhensible que dans un même élan le juge soit entré en sanction sur cet autre chef, le régime juridique des signes distinctifs n'a pas été appliqué à la lettre : la "méprise sur l'origine des noms de domaine" est-elle à elle seule de nature à emporter mise en oeuvre du régime de responsabilité à cet égard ?

La décision présente un troisième volet. Il est jugé que "les principes de loyauté et de libre concurrence, attachés à l’exercice de toutes activités commerciales, imposent à une entreprise intervenant sur le marché de s’assurer que son activité ne génère pas d’actes illicites au préjudice de tout autre opérateur économique", et que ces obligations n’ont manifestement pas été respectées par la société exploitant la place de marché. Elle est donc sanctionnée, car son comportement fautif est constitutif d’un préjudice pour le titulaire des marques. Sur ce point, la décision est logique, car il ressort d'une des pièces que cette société n'ignorait pas que les noms de domaine litigieux avaient un caractère sulfureux.

* Ce commentaire est fait à partir d'une version scannée, et non de l'original de l'arrêt, aussi faut-il être prudent sur la correcte retranscription des noms en question. Parmi les curiosités de l'arrêt, on notera aussi des disparités entre les motifs et le dispositif.

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