May 18, 2010

Le ccTLD, critère de compétence juridictionnelle

La question est aussi vieille que le web : dès lors qu'on a une activité sur internet, court-on le risque d'être assigné partout dans le monde où il existe une connexion ?

Une juridiction autrichienne se demandait si elle devait se dire compétente dans des affaires dans lesquelles des consommateurs avaient réservé en ligne l'une une croisière, et l'autre un séjour à l'hôtel.
Le règlement 44/2001 prévoit qu'un consommateur peut saisir les tribunaux de son pays pour assigner une personne qui dirige ses activités commerciales ou professionnelles vers cet État membre. Le juge autrichien devait donc apprécier si le seul fait pour un consommateur autrichien d'accéder au site internet d’un commerçant permet de dire que ce commerçant dirige son activité vers l’État du domicile du consommateur.
Il a demandé l'avis de la C.J.U.E. (aff. C‑144/09 et C-585/08), dont l'Avocat Général a publié son opinion aujourd'hui.

L'Avocat Général estime que la seule accessibilité d’un site internet dans l’État membre du domicile du consommateur ne suffit pas pour diriger l’activité vers cet État membre. Il faut d'autres circonstances factuelles, et suggère divers facteurs d’appréciation, tels que :
- le contenu du site internet (et la ou les langues utilisées),
- l’activité passée de la personne qui exerce l’activité commerciale ou professionnelle,
- le recours aux possibilités offertes par la publicité sur Internet et dans les autres médias
- ou... le type de domaine de premier niveau utilisé !
Pour cette dernière considération, l'Avocat Général souligne ainsi l'un des faits de l'espèce qui lui est soumise :

Si le commerçant – comme par exemple la société Internationale Frachtschiffreisen Pfeiffer dans l’affaire Pammer – crée un site internet sous le domaine «.de», cela signifie nécessairement que son activité est dirigée vers le marché allemand. D’un autre côté, l’utilisation du domaine internet d’un État membre n’exclut pas la direction de l’activité vers un autre État membre.
Et poursuit ensuite en ces termes :
§ 85. Le critère de l’indication du domaine internet de l’État membre sera en pratique pertinent avant tout dans les cas où un commerçant ayant son siège dans un État membre donné utilisera le domaine d’un autre État membre dans lequel il n’a pas de siège. Si par exemple, un commerçant ayant son siège au Royaume-Uni crée un site internet sous le domaine «.es», il est manifeste qu’il dirige son activité (aussi) vers le marché espagnol. Il faut à cet égard tenir compte du fait que certains commerçants créent pour la promotion de leur activité plusieurs sites internet nationaux; le consommateur est souvent dirigé à travers un site portail vers le site internet du domaine de l’État de son domicile. Dans ce cas, le commerçant dirigera en règle générale à travers le site internet du domaine d’un État membre donné son activité uniquement vers le marché de l’État membre du domaine en cause; il faut cependant dans chaque cas individuel juger s’il dirige aussi son activité vers d’autres États membres.
§ 86. De même, l’utilisation d’un nom de domaine neutre du point de vue de la nationalité peut être un indice que le commerçant ne dirige pas son activité seulement vers l’État membre de son siège, mais au contraire aussi vers d’autres États membres, mais cela ne suffit pas pour conclure que le commerçant dirige son activité vers l’ensemble des autres États membres. Dans ce cas aussi il faut tenir compte du contenu du site internet et juger sur la base de l’ensemble des critères vers quels États membres le commerçant dirige son activité.
On relèvera donc que le ccTLD seul ne donne pas compètence aux tribunaux du pays concerné, mais qu'il y contribue fortement. Le fait qu'un nom de domaine ait enregistré préventivement dans diverses extensions nationales (pour éviter qu'il soit pris par un tiers) n'est pas suffisant pour se faire attraire à l'étranger : un site internet doit accompagner ce nom.

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