August 31, 2010

Nom de domaine à débordements

Une société utilise un nom de domaine proche de la marque d'un concurrent. Elle est condamnée pour concurrence déloyale. Le préposé de cette société qui a réservé pour elle ce nom peut-il être condamné ? Oui a répondu le TGI de Paris, qui les a condamné solidairement à la "réparation du préjudice subi du fait de la réservation frauduleuse du nom de domaine "universal-effects.fr" et de l'usage fautif qui en a été fait" :

Monsieur S., Directeur de projet de la société SONO MEDIA, a réservé anonymement auprès de l'AFNIC le 2 mai 2007, en connaissance de cause et sans justifier d'aucun droit ni intérêt légitime, le nom de domaine "universal-effects.fr".
La société SONO MEDIA a utilisé ce nom de domaine pour diriger l'internaute vers l'URL "www.soiree-mousse.com/article-6378417.html" et ainsi détourner le trafic d'internautes et de clientèle de la société UNIVERSAL EFFECTS, détournement auquel Monsieur S. a contribué en réservant frauduleusement le nom de domaine.
Une faute de Monsieur S. et de la société SONO MEDIA engendrant un dommage pour la société demanderesse au sens de l'article 1382 du Code civil est ainsi caractérisée.
On notera que la formule "sans droit ni intérêt légitime" fait écho au décret du 6 février 2007 gouvernant les noms en .fr, même si ce texte n'a pas été visé en l'espèce. Le transfert du nom n'a pas été ordonné.

[9 juillet 2009]

August 23, 2010

"Origine : France"

Cette expression utilisée à propos des viandes servies en restaurant pourra bientôt l'être à propos des sites internet !

Rapide retour en arrière : le code du patrimoine a posé le principe de la soumission au dépôt légal des sites web. Cette mesure a pour objet de garder en mémoire notre patrimoine numérique, comme cela se fait depuis des siècles pour les livres et des décennies pour la radio et la télévision.
Mais quels sites web conserver ? (début de réponse : certainement pas ce blog !). Le projet de décret sur le dépôt légal vient répondre à cette question, en commençant par se limiter aux sites "d'origine française". Et sur quel critère déterminera-t-on cette origine ? Le nom de domaine ! Le projet de décret (art. 3) prévoit en effet :

On entend par services de communication au public en ligne d’origine française, les services de communication au public en ligne au sens du IV de l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique enregistrés sous le nom de domaine .fr ou tout autre nom de domaine enregistré auprès du ou des organismes français chargés de la gestion de ces noms et/ou produits sur le territoire français ou enregistrés par une personne domiciliée en France.
Pourront donc pour le moment être visés par le dépôt légal les sites en .fr ou .re. C'est peut-être un peu restrictif, car tous les sites d'intérêt culturel ne sont pas nécessairement accessibles par de telles adresses : là aussi, "dot com is king". On aurait pu aussi ajouter le .museum, même si son adoption par la communauté muséale française reste à démontrer.

August 06, 2010

Blocage d'un site de jeu via son nom de domaine

Depuis l'ouverture récente du marché des jeux et paris en ligne, les opérateurs doivent satisfaire à diverses obligations (dont celle d'avoir un nom de domaine en .fr).

Le site stanjames.com a été identifié par l'autorité de ce marché, l'A.R.J.E.L., comme ne respectant pas la loi française. En conséquence, le président de cette autorité à demander au juge parisien d'empêcher l'accès à ce site, par injonction à l'hébergeur et aux FAI français (les plus importants).
Ces derniers ont présenté d'intéressants arguments portant sur la procédure, les modalités des mesures techniques demandées, etc. Ils n'ont pas été entendus par le juge, qui a ordonné "l'arrêt" du site litigieux par les FAI. Ceux-ci doivent "prendre toutes mesures de nature à permettre l'arrêt de l'accès au service en cause, soit toute mesure de filtrage, pouvant être obtenu (...) par blocage du nom de domaine, de l'adresse IP connue, de l'URL, ou par analyse du contenu des messages, mises en œuvre alternativement ou éventuellement concomitamment, de manière à ce qu'elles soient suivies de l'effet escompté sur le marché français".

[TGI Paris, 6 août 2010]

August 04, 2010

Publicité AdWords : évolution du cadre juridique

Les phénomènes d'usage électronique des marques ne cessent d'agiter le monde de la propriété intellectuelle : que peut-on faire ou ne pas faire avec ces signes déposés ? Cette question est née avec les noms de domaine, s'est poursuivie avec les noms de compte (e-mail ou médias sociaux), s'est renouvelée avec les mots-clé publicitaires... et l'on risque de rencontrer encore bien d'autres situations !

Ces dernières années, la question de l'étendue des droits des titulaires de marques face à ces nouveaux usages a été posée de façon passionnée dans les affaires françaises relatives au fonctionnement des "AdWords", le programme publicitaire de Google. Un annonceur peut-il utiliser une marque pour déclencher une publicité ? Google peut-il suggérer un terme qui est aussi une marque déposée ?
Les juridictions ont donné des réponses diverses, toutes balayées par les arrêts rendus par la Cour de Justice de l'Union Européenne le 23 mars 2010.

C'est à ces arrêts que fait référence Google dans un communiqué publié ce matin (ou plus précisément dans la page à laquelle renvoie ce communiqué) annonçant l'évolution de sa politique.


Rupture avec la pratique en cours en France et d'autres pays d'Europe : les annonceurs pourront désormais sélectionner des marques en tant que mots-clefs pour déclencher leurs annonces. En tapant Astra, un utilisateur du moteur de recherche pourra donc voir s'afficher des annonces relatives à de la margarine, une voiture Opel, ou des satellites, annonces qui ne sont pas le fait des détenteurs de ces marques, mais de revendeurs.

Inutile de dire que certains titulaires de marques vont grincer des dents : c'est précisément contre ces pratiques que Google avait été attaqué en France ! Jusqu'ici, les titulaires de marques pouvaient demander à Google d'interdire tout usage comme mot-clef par un tiers pour déclencher des annonces. Maintenant que la Cour de Justice a estimé que suggérer n'est pas contrefaire, Google utilise son sauf-conduit pour faire évoluer sa politique.

Cela ne veut pas dire que les annonceurs pourront faire n'importe quoi : l'usage de marque de tiers suppose qu'ils en soient revendeurs autorisés, ou qu'il s'agisse d'une référence nécessaire, bref que l'on reste dans le cadre de la loi.

Jusqu'ici les titulaires de marques qui souhaitaient les protéger bénéficiaient de coûts de transaction très faibles : il suffisait de notifier leurs droits pour empêcher que des publicités soient associées à leurs signes. Ils bénéficiaient ainsi d'un important effet levier.
Désormais, ils ne pourront plus agir a priori et devront, s'ils le souhaitent, analyser les textes publicitaires associés aux résultats retournés suites à des requêtes sur leurs marques, au cas par cas, afin de vérifier si les annonceurs les utilisent de façon normale ou non.
La marque est une propriété, et une propriété, ça s'entretient ! La loi oblige les titulaires de marques à certains efforts, pour ne pas perdre leur monopole (risque de forclusion, de dégénérescence...). Voici une autre illustration des efforts que doivent fournir les titulaires de droits de marques afin de les conserver.