December 29, 2010

Lutte contre le cybersquatting en deux coups de cuiller à pot

Le nom danone.pro est réservé en février 2009 par un particulier qui dit l'avoir fait "dans le cadre d'un projet de mise en ligne d'un blog gratuit, dédié à l'échange d'informations et d'idées créatives, à l'usage des particuliers et des professionnels".
Deux mois plus tard, il refuse la demande de transfert amiable faite par le groupe Danone excipant de plusieurs signes notoires. Motif : il ne peut y avoir de risque de confusion. Le 1er septembre 2009, une décision UDRP le condamne au transfert.

En général ce type de contentieux s'arrête là. Il y a eu quelques exceptions, en voici une nouvelle, suffisamment rare pour être mentionnée.

Le demandeur souhaitait aussi obtenir réparation du préjudice subi. Ce qui s'est traduit, en juin 2010, par une assignation de l'ex-titulaire devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

Le tribunal considère qu'il y a ici violation de l'article L. 713-5 qui sanctionne l'atteinte à une marque renommée :

En l'espèce un lien peut être fait par le public concerné entre la marque de renommée DANONE et le nom de domaine danone.pro. Dès lors, en déposant le nom de domaine danone.pro, M. D. a commis une faute civile engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 713-5 du code de procédure civile (sic ! il faut bien sûr lire "propriété intellectuelle"...), bien que ce site ne soit pas exploité
Le tribunal est correct : le public ne peut que faire le lien entre la marque notoire DANONE et le nom. Mais s'agit-il pourtant d'une violation du texte visé ? Celui-ci proscrit "la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement". Ce qui suppose, à la lettre, qu'il y ait d'autres produits ou services. Comment cela peut-il être le cas quand il n'y a pas de produits ou de services ? Le tribunal semble s'être fourvoyé ici. Sa décision est d'ailleurs inverse de celle prise le 26 août 2009 dans une affaire impliquant plusieurs marques notoires.

Il est ensuite jugé qu'"en reprenant, sans droit le signe DANONE comme nom de domaine, M. D. a commis une faute et porté atteinte a la dénomination sociale et au nom commercial de ces sociétés". Le tribunal n'en dit pas plus, et cet attendu sommaire ne permet guère de connaître comment il a estimé que l'ensemble des conditions de la responsabilité étaient ici réunies.

Comme le demandeur a aussi des noms comme danone.fr, danone.com ou danone.co.uk, le juge poursuit :

en enregistrant sans droit antérieur le nom de domaine danone.pro, M. D. a commis une faute en se plaçant volontairement dans le sillage des sociétés demanderesses et porté atteinte aux noms de domaines dont est titulaire la société COMPAGNIE GERVAIS DANONE, l'intitulé du site du défendeur pouvant faire croire, à tort, aux internautes qu'il s'agissait d'un site ayant pour origine les sociétés DANONE
On observera ici qu'il est fait ici mention d'un "site" (paradoxalement, le tribunal ayant constaté précédemment qu'il n'en existait pas) et d'un "intitulé" (probablement le header).

En définitive, le tribunal se prononce ainsi sur la réparation :

Il est constant que M. D. n'a pas exploité le nom de domaine qu'il avait enregistré le 18 février 2009 pour créer un blog gratuit. En effet, le nom de domaine litigieux a été place en "domaine dispute" par l'unité d'enregistrement OVH dès le mois d'avril 2009 et l'expert du centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI a ensuite ordonné le ler septembre 2009, le transfert du nom de domaine litigieux.
L'atteinte aux marques de renommée, aux noms de domaine, aux dénominations sociales et nom commercial a néanmoins causé un préjudice aux sociétés DANONE et COMPAGNIE GERVAIS DANONE et le tribunal possède les éléments suffisants pour évaluer à la somme de 3000 euros le montant des dommages-intérêts réparant le préjudice causé, celui ayant été bref dans sa durée.
Le préjudice étant suffisamment réparé, il n'y a pas lieu de faire droit aux mesures de publication à titre de complément de dommages-intérêts.
Le défendeur doit aussi payer les dépens, et 5000 € au titre des frais de justice.

1 comment:

Anonymous said...

les tribunaux, 'in fine' aux ordres des marques frappent fort le petit . souvenez vous de l'affaire Milka ; on doit surement trouver cela dans les archives du blog de mr cedric...