May 30, 2012

Droit des noms de domaine. - Mise à jour n° 2


[Ce blog consacré aux noms de domaine est aussi devenu le lieu de l'actualisation du livre Le droit des noms de domaine. Voici la deuxième livraison de cette mise à jour (couvrant principalement la période avril - mai 2012)]


Le maire de la commune de Saint-Pierre du Vauvray a engagé une action Syreli afin de récupérer le nom vivezsaintpierre.fr. Ce nom, qui reprend celui de la liste qu'il avait constituée lors des élections, avait été enregistré suite au départ d'une de ses anciennes colistières. Clochemerle !
Il est jugé qu'un tel nom est "apparenté à la collectivité territoriale" de Saint Pierre du Vauvray. Il faut donc en retenir deux enseignements dans l'appréciation que fait le collège de l'AFNIC de la protection des noms de commune :

  • l'appellation courante pourrait être protégée au même titre que l'appellation officielle
  • l'adjonction d'un verbe d'action à un nom de commune n'empêcherait pas de dire que le nom de domaine ainsi constitué est "apparenté". Cet adjectif (employé à l'article L. 45-2 du CPCE) aurait donc un sens plus large que l'expression connue en droit des marques de "susceptible de prêter à confusion".
Il faudra attendre d'autres décisions dans des espèces similaires (ce qui paraît assez hypothétique) pour voir si le collège de l'AFNIC a choisi de s'engager dans une appréciation très large des dispositions permettant la suppression ou le transfert d'un nom revendiqué par une collectivité.
[§ 141, § 186]


Les vieux routiers se souviennent qu'à l'ouverture de la zone .eu, les stratégies les plus diverses furent mises en place en vue de satisfaire aux conditions d'enregistrement : droit de marque, ou éligibilité. C'est ainsi que le Benelux vécut une période dorée, voyant arriver de très nombreux candidats à des dépôts de marques, plus ou moins farfelues, attirés par sa procédure rapide. Sur le plan de l'éligibilité, les entreprises européennes furent marries de voir qu'elles ne pouvaient candidater elles-mêmes à des noms, faute de siège social dans l'Union. C'est pourquoi l'une d'entre elles décida de donner licence de son signe LENSWORLD à une entité belge, afin que celle-ci puisse en cette qualité demander l'enregistrement du nom correspondant en .eu.
Cette tactique de contournement est-elle frauduleuse ? C'est l'opinion de l'Avocat Général de la CJUE devant laquelle l'affaire a été portée (C-376/11). La convention entre les sociétés américaine et belge est requalifiée, pour être considérée non comme une licence mais comme un contrat de prestation de services. Dès lors, l'une des conditions du Règlement 874/2004 fait défaut.
Ce faisant, l'Avocat Général réaffirme que le lien entre le domaine .eu et le territoire européen doit être le plus fort possible.
[§ 368, § 53, § 129, § 133, § 164]


Publication académique à signaler : dans Le Domain Name System : point de départ de la conquête de l'Internet par l'État ? [Revue du Droit des Technologies de l'Information 46/2012, pp. 5-32], Caroline Bricteux envisage la modification de la structure hiérarchique du DNS pour permettre aux Etats de prendre le contrôle national sur les ccTLD.
[§ 65 à 81]


Le nom de domaine pourrait-il durablement devenir un point d'ancrage du droit dans la jurisprudence européenne ? Quand une entreprise exerce en ligne son activité dans plusieurs pays, se pose la question du droit applicable. La CJUE a déjà estimé qu'il pouvait être tenu compte du nom de domaine pour définir si la loi d'un pays s'applique : si le site est exploité depuis l'Allemagne mais sous un .at, un consommateur autrichien pourrait attaquer l'opérateur allemand ...
Sanctionné en Espagne pour violation du droit des données personnelles, Google cherche à obtenir un éclaircissement sur le droit qu'il doit appliquer. Dans une question préjudicielle (C-131-12), il est demandé à la CJUE de préciser si le recours ... lorsqu'un moteur de recherche utilise un nom de domaine propre d'un État membre et oriente ses recherches et ses résultats en fonction de la langue de cet État membre.
Parallèlement, une société belge demande à la même juridiction (C-657/11) si la définition légale de la publicité englobe "l'enregistrement et l'utilisation d'un nom de domaine" (la même question est posée s'agissant de "l'utilisation de métatags dans les métadonnées d'un site Internet").
[§ 331]



Par ailleurs, l'AFNIC a mis à jour les règles d'enregistrement des extensions françaises, en vue de permettre l'enregistrement de noms contenant des caractères spéciaux. Cela est possible depuis le 3 mai 2012. Un commentaire de ces règles nouvelles est à venir, sous la forme d'un prochain billet.
[§ 166]





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